HISTORIQUE DES AOST
Toute
église est une création continue. On le constate en visitant nos
sanctuaires des campagnes comme des villes, où l'on peut admirer
l'apport cumulé des générations successives
L'Eglise Saint-Thibaut au Pecq (78), bien qu'ayant moins d'un
demi-siècle d'existence, n'échappe pas à cette règle. L'édifice de 2008
est différent de celui consacré en 1964. L'installation d'un grand orgue a en effet modifié son esthétique.
L'instrument va enrichir les célébrations qui s'y dérouleront et va
élargir le rôle culturel de l'édifice et de la communauté dans la cité.
Pourquoi ce grand orgue? Parce que dans les églises catholiques
d'Occident, comme dans les temples réformés d'ailleurs, ce roi des
instruments de musique est devenu l'auxiliaire naturel de la liturgie.
L'église Saint-Thibaut venait de fêter ses 30 ans, quand commença à
germer l'idée d'y implanter un orgue digne de sa qualité architecturale.
Toute réalisation suppose un chef de projet et une structure porteuse:
ce fut l'association des Amis des Orgues de Saint-Thibaut (AOST), sous
la présidence de Louis Rosset. La présence continue depuis 1995 au
conseil de cette association de Noëlle Forestier (succédant à son mari
décédé, qui fut membre fondateur), de Daniel Carissimo, de
Marie-Catherine Tissier et de Patrice Launay conféra au projet la
cohérence et l'efficacité nécessaires. Très vite s'y adjoignirent Michel
Klaeylé et Françoise Serrant, qui apportèrent une compétence musicale
complémentaire.
Étudier
À partir du moment où il était admis que le petit orgue de chœur
n'était pas à la mesure du vaste monument qu'est l'église Saint-Thibaut,
toutes les pistes d'amélioration devaient être explorées.
La première idée fut la simple extension de l'instrument existant. Des
consultations furent faites tous azimuts. Elles se révélèrent
décevantes. À noter que lors d'une visite le 13 janvier 1997, le facteur
d'orgues Daniel Kern, découvrant l'édifice, nous recommanda d'être plus
ambitieux. Il confortait sans le savoir l'AOST précédemment encouragée
dans cette voie par Pierre Dumoulin, à l'époque conseiller technique
pour les orgues de l'ARIAM île-de-France.
Le choix d'un instrument électronique fut également étudié, certains
considérant que sa modernité serait plus adaptée au style de l'église.
Après enquête, et malgré son coût moins élevé, cette piste fut écartée,
en raison notamment de la faible durée de vie de tels instruments.
L'on s'orienta définitivement vers le choix d'un véritable orgue à tuyaux, neuf et conçu spécialement pour l'édifice.
Où l'implanter? L'emplacement habituel d'un orgue dans une église, à
savoir la tribune, ne fut pas retenu: la hauteur sous toit n'est pas
suffisante et il eût été dommage d'occulter le grand vitrail.
La meilleure situation, pour des raisons d'acoustique, était une
position centrale derrière l'autel. De plus l'esthétique de l'édifice
est fondamentalement inspirée par le principe de symétrie. Restait à
respecter, et même mieux à mettre en valeur, le point central de
l'église qu'est l'autel. Ce fut inscrit au cahier des charges imposé aux
facteurs d'orgues.
Concevoir le projet
L'objectif était l'embellissement des liturgies. Mais l'église est enracinée dans la cité, et elle se doit d'y jouer son rôle au plan culturel et pédagogique. Aussi l'idée d'une coopération à la vie artistique des communes voisines paraissait intéressante. Cette idée rencontra d'emblée l'adbésion d'Alain Gournac, sénateur-maire du Pecq, et du défunt François Henri de Virieu, alors maire de Marly-le-Roi. Marie-Claire Alain aussi marqua dès le début son enthousiasme:
Enfin un orgue neuf dans une église neuve. »
Convaincre
Il est toujours difficile de promouvoir un investissement qui ne
répond pas à une urgence. L'investissement culturel apparaît souvent –
hélas – comme un luxe. Par ailleurs, les budgets des paroisses sont
fragiles et étriqués. Enfin, si l'on admettait l'objectif d'achèvement
de l'église Saint-Thibaut, on pouvait marquer une préférence pour la
construction d'un campanile, par exemple.
Ne le cachons pas, les débats furent passionnés. Mais les appuis du père
Pierre Hoffman, curé de Marly, et de son successeur Guy Cordonnier,
puis du père Jean-Pierre Allouchery, responsable de la Commission
diocésaine d'Art Sacré, furent sans réserve.
Le solide parrainage de brillants organistes, Marie-Claire Alain, Susan
Landale, Francois-Henri Houbart et Jean-Pierre Millioud, apportait une
caution artistique au projet. L'intervention de Michel Camdessus, le 20
juin 2001, ancien directeur du Fonds monétaire international (FMI), mais
surtout ancien président fondateur des Amis de Saint-Thibaut, conféra
un caractère définitif à la décision de réaliser ce projet. L'un des promoteurs de
la construction de l'église Saint-Thibaut revenait ainsi quarante ans
plus tard soutenir l'accomplissement de l'œuvre qu'il avait suscitée.
Priorité
Les décisions prises, il s'avéra que des intempéries, notamment la
tempête de Noël 1999, avaient affecté l'étanchéité du toit de l'église.
Pour des raisons budgétaires, il avait été décidé dans les années 1960
de différer la mise en place de la couverture en cuivre prévue par les
architectes.
La préservation de l'édifice supposait la réalisation du toit tel qu'il
était prévu à l'origine. Ce chantier lourd fut mené à bien par
l'association des Amis de Saint-Thibaut sous l'égide de ses présidents
successifs, Pierre Giraud et Xavier Loiseleur des Longchamps. Par
chance, ou par providence, cette couverture de cuivre fut mise en place
peu avant l'envolée des cours des matières premières. La priorité absolue donnée au gros œuvre ne se traduisit pas par une
mise en sommeil du projet du grand orgue, mais par un étalement dans le
temps de sa concrétisation, ce qui contribua à le peaufiner.
Réaliser
Dès le début de 2002, un dossier complet était constitué décrivant
les objectifs cultuels, culturels et pédagogiques du projet, détaillant
l'étude de faisabilité, définissant le programme fonctionnel de l'orgue
et prévoyant un plan précis de financement.
Œuvre collective, cette réalisation associe à la paroisse et à
l'Association diocésaine de Versailles (ADV), les communes du Pecq et de
Marly-le-Roi, le Département des Yvelines, la Région Île-de-France, le
ministère de la Culture, et les députés des deux circonscriptions.
Du fait de l'existence de subventions, le choix du facteur a été
opéré selon les rigoureuses procédures des Marchés publics. Sur 14
candidatures, 4 entreprises furent sélectionnées pour présenter un
projet très élaboré. La manufacture d'orgues Daniel Kern de Strasbourg emporta l'adhésion de la commission ad hoc.
L'inauguration, en présence de notre évêque Éric Aumonier, le 4 mai
2008, par la bénédiction de l'orgue au cours d'une messe solennelle, est
son acte de naissance.
Audace et ambition de l'équipe fondatrice, appui de la communauté
paroissiale, enthousiasme des membres de l'association, esprit
d'ouverture des politiques, qualité de l'image de campagne construite
par Xavier Loiseleur des Longchamps, passion de nombreux artistes pour
ce projet original, conviction de participer à un acte culturel majeur,
satisfaction de contribuer à la défense d'une activité économique
menacée, souci d'offrir un instrument de qualité aux jeunes des
conservatoires, volonté d'embellir un édifice qui est déjà un monument
de l'architecture du XXe siècle, sont autant d'éléments qui ont conduit à cette réussite.
Claude Menesguen